Vouloir le bien
L'information m'avait échappé :
chaque année, Le Robert, le célèbre dictionnaire, demande
aux Internautes de voter, parmi une liste de mots présélectionnés,
pour le mot de l'année. Et le vainqueur en 2018 était :
« bienveillance ». Au premier abord, autant les deux
autres mots qui complètent le podium – « climat » et
« infox » (le mot français pour désigner les « fake news »)
– étaient assez évidents pour l'année 2018, autant le choix de
« bienveillance » me semblait surprenant parce que je
n'ai pas l'impression qu'elle soit une valeur si prisée que cela
aujourd'hui.
La définition du mot, selon Le
Robert, est : « Sentiment par lequel on veut du bien à
quelqu'un. Disposition favorable envers autrui. ». Et on cite
comme synonyme : « altruisme », « bonté »,
« indulgence », « sollicitude ». Je n'ai pas
l'impression, en regardant autour de moi, et malgré quelques
exceptions remarquables, que ce sont des termes qui caractérisent le
mieux notre société aujourd'hui !
Et pourtant, c'est un mot à la mode.
On le rencontre partout. Dans les entreprises on parle de management
bienveillant, à l'école de bienveillance éducative, en milieu
médical de bienveillance et de bien-traitance, on le retrouve dans
les ouvrages sur le développement personnel (on parle même de
bienveillance envers soi)... Bref, on est submergé d'injonctions à
la bienveillance, et le mot est tellement galvaudé qu'il ne veut
plus dire grand chose, même animé de bons sentiments.
Pourtant, n'a-t-on pas besoin de
bienveillance aujourd'hui ? Ainsi, le mouvement des gilets jaunes,
aussi protéiforme soit-il, n'est-il pas aussi une expression de
cette attente, de ce manque ? Ces hommes et ces femmes, qui se
sentent oubliés, répondent par la colère à l'arrogance et au
mépris dont ils se sentent victimes. Ne réclament-ils pas une
bienveillance dont ils se sentent privés ? Et cette fois, dans
le bon sens du terme... Car si nous revenons à son étymologie, la
bienveillance, c'est la « bienveuillance », le fait de
vouloir le bien. Sur les ronds-points et dans les rues, les gilets
jaunes n'ont pas l'impression que les puissants leur veulent du
bien... Et au-delà, beaucoup partagent ce sentiment, face aux
quelques-uns qui semblent s'accaparer les richesses et les privilèges
(on vient d'apprendre que selon l'ONG Oxfam, 26 milliardaires
seulement ont autant d'argent que la moitié de l'humanité).
On trouve aussi le mot
« bienveillance » dans la Bible, pour l'hébreu hesed,
que l'on peut aussi traduire par « fidélité, grâce, bonté,
compassion... ». Un mot qui caractérise l'attitude de Dieu
envers son peuple : il veut son bien ! Il apparaît aussi
dans la liste du fruit de l'Esprit, en Galates 5.22, aux côté de la
bonté, nous invitant à vouloir le bien de notre prochain. Or, si la
bienveillance est rare dans notre société, il me semble qu'elle
fait aussi trop souvent défaut dans les églises. En ce mois de
l'unité des chrétiens veut-on toujours le bien des autres églises
ou laisse-t-on encore trop de place à l'arrogance ou la
condescendance... ou tout simplement l'ignorance réciproque ? Au
sein de nos églises, veut-on toujours le bien de notre soeur, notre
frère, ou laissons-nous encore trop de place au jugement, à la
rancune ou à la jalousie ?
C'est de cette bienveillance dont nous
avons besoin, dans l'Eglise comme dans la société. Pour vouloir le
bien de son prochain, et travailler pour le bien commun.
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