Droit au blasphème et devoir d'autodérision

 

Une semaine après l’assassinat de Samuel Paty, ce professeur d’histoire-géographie décapité par un terroriste islamiste, l’émotion et l’indignation sont encore vives. Une telle barbarie, aujourd’hui, en France, au nom d’une religion, est un choc. Il faut dénoncer et combattre l’islamisme, et toute forme de fanatisme de quelque religion que ce soit. Sans relâche. Il n’y a aucune justification possible et il n’y a que des circonstances aggravantes pour ceux qui tuent au nom de Dieu !  

Dans les réactions, y compris jusqu’au plus haut échelon de l’état, on a défendu le “droit au blasphème”. J’avoue que je ne suis pas très à l’aise avec cette formule... Je ne me place pas sur le plan législatif, n’ayant aucune compétence de juriste, mais simplement d’un point de vue sémantique : il me semble que ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de délit de blasphème en France qu’il y a pour autant un droit au blasphème ! Ca ressemble pour moi à un sophisme…

Le Larousse définit le blasphème comme « une parole ou discours qui outrage la divinité, la religion ou ce qui est considéré comme respectable ou sacré ». N’est-on pas au-delà de la critique ou même de la caricature ? Bien-sûr, il est légitime qu’un État laïc, neutre en matière de religion, ne définisse pas ce qui est respectable ou sacré, ça appartient au domaine religieux. De ce point de vue, il est heureux qu’il n’y ait plus de délit de blasphème dans notre pays. C’est l’injure, la diffamation ou l’incitation à la haine qui sont condamnables. 

Mais la seule affirmation péremptoire d’un “droit au blasphème” ne risque-t-elle pas de malmener la fraternité, une des trois valeurs fondamentale de notre République ? Est-ce que ça ne contribue pas à faire reposer un soupçon de principe sur le fait religieux en général ? La liberté d’expression est un droit fondamental, comme la liberté de pensée. Il faut donc défendre le droit à la critique des religions. Toutes les religions. Et il faut que nous ayons le droit de le faire avec humour, même par la caricature. Mais il faut aussi que nous encouragions au respect (difficilement compatible avec l'outrage) et que nous refusions les caricatures de la pensée ou d’une fausse laïcité qui se postionnerait contre les religions. Sinon nous faisons le lit des obscurantismes et des fanatismes, qui utiliseront le discours victimaire voire complotiste pour attiser les peurs et les haines. 

Si je rechigne à parler de droit au blasphème, j’aimerais défendre par contre, pour les religions, un devoir d’humour et d’autodérision. En tant que croyant, nous devons accepter la critique, même si elle est parfois teintée de provocation. Et c’est justement l’humour et l’autodérision qui nous le permettront. Il y a là une marque d’humilité et de sagesse. Car n’est-il pas prétentieux de s’offusquer à la place de Dieu ? 

En fait, je dirais volontiers que le manque d’humour est un péché pour le croyant ! Prendre tout au premier degré, se prendre trop au sérieux, refuser l’autocritique… est-ce que ce ne sont pas des marques d’orgueil spirituel ? 



Commentaires

  1. J'apprécie ce que tu dis. Je crois que le mot blasphème est galvaudé et jeté en pâture sur la voie publique sans suffisamment de retenue. Liberté d'expression oui, mais il y a des limites qu'il s'agit de repérer pour éviter des dérives.

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  2. Un post très juste et au bon moment. En tant que croyante en un Dieu saint, j'ai peur pour ceux qui blasphement qu'ils soient croyants ou pas - il y aura des conséquences spirituelles pour eux (c'est pas très clair ce que j'essaie de dire). Ta remarque sur la fraternité me semble très juste : par respect les uns pour les autres, nous aurions l'intérêt de modifier nos commentaires par rapport aux croyances des autres.

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  3. Bonjour Philippe. Un rabbin, ça ne s'invente pas, m'a éclairé sur le sens du "sang impur" dans le refrain de notre hymne national. Avant 1789, seuls les nobles étaient considérés comme ayant un sang "pur". La Marseillaise, chant révolutionnaire, revendique le droit pour ceux qui ne le sont pas de verser leur sang pour défendre la Patrie. Le sang impur n'est donc pas celui des ennemis....

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  4. Merci pour cette précision que je ne connaissais pas !

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  5. J'apprécie votre article et notamment ce que vous écrivez sur la fraternité.
    Et votre phrase : " ... et que nous refusions les caricatures de la pensée ou d’une fausse laïcité qui se positionnerait contre les religions ".
    Certains journaux, me choquent parfois et pourtant je n'ai pas froid aux yeux.

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  6. D'autant qu'il semble y avoir une limite au "droit au blasphème": critiquer Charlie, manifester son désaccord avec une publication qui ne s'inquiète pas du respect dû, non aux religions, mais aux êtres humains qui les pratiquent... même la mesure (toute relative) dont a fait preuve notre Président dans son interview à Al Jazeera ou la réaction toute en nuances de Justin Trudeau ont été perçues comme des reculades devant l'Islam.
    Je n'ose pas imaginer l'état d'esprit des enseignants musulmans contraints de montrer ces caricatures à leurs élèves pour rendre hommage à Samuel Paty.

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    1. Il n'y a jamais eu de contrainte faite aux enseignants musulmans de montrer ces caricatures, pour rendre hommage à Samuel Paty ou pour toute autre raison !

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