Se recentrer sur l'essentiel

On dit que les voyages forment la jeunesse. C'est vrai ! Mais ils continuent encore de former, ou en tout cas de transformer, les moins jeunes ! J'en ai fait l'expérience, récemment, lors d'un séjour en Inde pour l'assemblée générale de l'IFFEC (Fédération internationale des Églises évangélique libres). J'ai ainsi passé huit jours avec 90 responsables d'Eglises issus de 25 pays différents (et donc avec 25 accents anglais différents...). J'ai pu apprendre à connaître un peu mieux la réalité vécue par des chrétiens, parfois dans des contextes difficiles voire hostiles. Entendre parler de ce que vivent les chrétiens en Inde, au Tadjikistan, en Chine ou au Venezuela, avec les difficultés parfois inimaginables qu'ils rencontrent, invite forcément à nous recentrer sur l'essentiel. Et non pas seulement entendre mais voir de nos yeux le travail remarquable accompli par les chrétiens en Inde auprès des populations en détresse était un moment fort du séjour. Dans un contexte difficile, il est tellement plus naturel, tellement évident pour l'Eglise, d'incarner l'Évangile. Le dilemme que l'on rencontre parfois chez nous entre engagement social et évangélisation ne se pose même pas : l'un ne peut aller sans l'autre ! J'ai aussi découvert qu'en Inde, dans l'Hindustani Covenant Church, il y a des femmes pasteurs ! Et ce n'est pas facilement accepté d'un point de vue culturel. Ainsi, en Inde cette Eglise est à la pointe et pas à la traîne ! C'est à méditer... parce que ce n'est pas toujours le cas dans nos Eglises évangéliques (c'est un euphémisme...) !

En fait, je n'ai pas pu m'empêcher de me dire que dans nos églises occidentales nous avons des problèmes de riches, pour ne pas dire d'enfants gâtés. Nos querelles évangéliques paraissent bien dérisoires, avec la désagréable impression qu'on ne met pas toujours l'essentiel là où il devrait être ! J'entends aujourd'hui un certain discours sur la non-compromission, la recherche de pureté, le choix de se séparer pour ne pas cautionner telle ou telle chose, qui m'inquiète un peu. Les polémiques sur l'accueil ou non de telle ou telle population dans l'Église me paraissent vaines : Jésus accueillait et se laissait accueillir par tous ! Il y a quelques années, tout passait chez les évangéliques par le prisme des schémas eschatologiques : on décidait de la fidélité évangélique en fonction de sa position sur le millénium ! Heureusement, ce n'est plus trop le cas... Mais je regrette qu'aujourd'hui, ce sont plutôt les questions éthiques (ou disons exclusivement d'éthique familiale et sexuelle) ou la place et le rôle des femmes (!) qu'on veut faire apparaître comme des marqueurs évangéliques ! Je ne dis pas que ces questions ne sont pas importantes... mais est-ce bien là que se situe l'essentiel de l'Évangile* ?

L'essentiel, je le vois plutôt dans le Dieu Créateur et Sauveur, dans la mort et la résurrection du Christ comme événement central du salut, dans le salut par grâce au moyen de la foi, dans l'exigence de l'amour du prochain. Et je ne suis pas sûr que ces essentiels (en particulier le dernier) se manifestent toujours dans nos luttes évangéliques...

Voyager et être au contact d'autres cultures, d'autres contextes de vie, aide à se recentrer sur l'essentiel. Et je suis revenu de mon séjour en Inde avec la certitude renforcée de l'urgence d'aimer notre prochain et de témoigner de l'Évangile ! C'est là que se trouve l'essentiel, j'en suis convaincu !

______
* J'en avais déjà parlé dans un article précédant : https://blognotesdevincent.blogspot.com/2017/08/un-bon-evangelique.html